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Santé Canada maintient son approbation du glyphosate

Des contenants du pesticide Roundup sur une tablette de magasin

Le pesticide Roundup de Monsanto

Photo : Reuters / Yves Herman

Radio-Canada

Après avoir révisé les centaines d'études qui avaient justifié l'autorisation du glyphosate en 2017, Santé Canada maintient sa décision d'approuver l'ingrédient actif du Roundup de Monsanto, l'herbicide le plus vendu au Canada. Des médecins et des environnementalistes s'y opposent.

L'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire (ARLA) du ministère fédéral soutient que les pesticides contenant du glyphosate sont sans danger s'ils sont utilisés de manière appropriée.

En novembre dernier, Santé Canada avait annoncé reprendre l’analyse des études auxquelles elle s’était fiée pour renouveler l’autorisation du glyphosate pour une période de 15 ans. Cette révision a été décidée après que des détracteurs - Santé Canada avait reçu huit avis d'opposition - eurent soutenu que ces études auraient été manipulées par le géant de l’industrie agrochimique Monsanto.

Une nouvelle équipe de 20 scientifiques, qui n'avaient pas participé à la réévaluation de 2017, a été mise sur pied pour revoir les documents. Ils sont unanimement arrivés à la conclusion qu'il n'y a aucune raison de douter des preuves scientifiques utilisées jusqu'ici pour approuver l'usage du glyphosate dans les herbicides.

Après un examen approfondi de l’ensemble des données pertinentes, nous avons conclu que les questions soulevées par les opposants ne pouvaient pas être prouvées scientifiquement. […] Le ministère maintiendra donc sa décision de réévaluation finale concernant le glyphosate.

Une citation de Frédéric Bissonnette, de l'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire

L’agence fédérale assure par ailleurs n’avoir eu aucun échange avec Monsanto ou d’autres acteurs de l’industrie agrochimique dans le cadre de sa révision.

L'épandage de pesticides

L'épandage de pesticides

Photo : iStock

Une crédibilité scientifique remise en question

Des groupes de défense de l’environnement et de la santé s’inquiètent de la décision d’Ottawa. « On est très déçus », dit la directrice des relations gouvernementales chez Équiterre, Annie Bérubé.

Nous maintenons que la démarche scientifique adoptée par Santé Canada semble avoir été compromise par des données manipulées et des analyses faussées.

Une citation de Annie Bérubé, Équiterre

Équiterre réclamait, avec la Fondation David Suzuki, l’Association canadienne des médecins pour l’environnement, Prevent Cancer Now et Environmental Defence, un processus de révision totalement indépendant afin de « mettre en lumière l’étendue des failles dans cette décision, l’étendue des lacunes dans la science utilisée et aussi de déterminer si oui ou non il y a eu pratique frauduleuse de la part de Monsanto pour obtenir cette réhomologation ».

Les « Monsanto Papers »

Les groupes environnementaux avaient insisté pour que la révision soit effectuée par un comité d’experts indépendants à la suite de la publication en 2017 des « Monsanto Papers », des documents internes révélant que l’entreprise avait délibérément manipulé des articles scientifiques à son avantage.

Des allégations que l'agence canadienne balaie du revers de la main, estimant que les « Monsanto Papers » ne sont que des « révisions d’études déjà analysées » par ses propres experts.

La directrice des programmes Communautés saines chez Écojustice, Elaine MacDonald, est pourtant catégorique : « L’examen [des Monsanto Papers] auquel nous avons procédé, et dont les résultats ont été communiqués à Santé Canada, montre que l’Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire s’est fiée à des données scientifiques ayant été utilisées dans des cas allégués d’inconduite de la part de Monsanto ».

Santé Canada a accordé de l’importance à des données d’études qui ont été modifiées ou changées par Monsanto, une société qui a tout intérêt à ce que le glyphosate demeure sur le marché.

Une citation de Elaine MacDonald, Écojustice

Annie Bérubé, d'Équiterre, dénonce aussi un manque de transparence de la part de l’agence. « C’est très difficile d’obtenir les données, les études sur lesquelles l’agence s’est appuyée pour prendre cette décision. »

Elle demande à la ministre de la Santé, Ginette Petitpas Taylor, de se prononcer sur le dossier, rappelant que la Loi sur les produits antiparasitaires est essentiellement sa responsabilité.

Équiterre assure que « les enquêtes se poursuivent […] pour vraiment élucider l’étendue de l’influence de Monsanto sur la décision canadienne ».

« Dans les prochaines semaines et les prochains mois, on pourra mettre en lumière de nouvelles preuves compromettantes quant à la science qui a été utilisée dans la réévaluation », assure Annie Bérubé.

Bayer sur la défensive

Trish Jordan, directrice des affaires publiques et sectorielles de la division des sciences de la culture de Bayer Canada, s'est montrée satisfaite des résultats de la révision effectuée par Santé Canada.

Bayer Ag, propriétaire de Monsanto depuis juin 2018, nie avoir influé de manière inappropriée sur les résultats de centaines d'études qui prouveraient, selon lui, que son produit est sans danger.

Nous avons un engagement indéfectible en faveur d'une science solide, de la transparence et de la production d'outils précieux qui vont aider les agriculteurs à continuer de nourrir de manière durable une population en croissance.

Une citation de Trish Jordan, de Bayer Canada

Un produit controversé

Partout à travers le monde, l’utilisation des herbicides à base de glyphosate est remise en question en raison de ses possibles effets sur la santé humaine et sur l’environnement. En Europe par exemple, le glyphosate a été approuvé à nouveau pour une période de 5 ans, comparativement à 15 ans au Canada.

Mais Santé Canada soutient que ses conclusions « correspondent à celles d’autres autorités, et qu’aucun organisme de réglementation des pesticides au monde ne juge que le glyphosate pose un risque à la santé humaine, y compris un risque cancérigène, aux doses auxquelles les humains sont actuellement exposés. »

Pourtant, le Comité international de recherche sur le cancer de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a classé en 2015 le glyphosate comme étant une substance génotoxique (dommageable pour l’ADN), cancérogène pour l’animal et « cancérigène probable » pour l’homme.

En août 2018, un verdict historique a par ailleurs conclu qu’il y avait un lien entre le cancer d’un jardinier américain et deux herbicides à base de glyphosate fabriqués par Monsanto, le Roundup et le Ranger Pro. La victime, Dewayne « Lee » Johnson, s’est alors vue accorder plus de 78 millions de dollars américains.

Monsanto, qui a toujours nié la dangerosité du glyphosate, a fait appel du verdict. Elle fait aussi face à plus de 8000 procès en attente aux États-Unis.

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