Climat : au Groenland, la fonte des glaces s’accélère encore

La calotte glaciaire de l’île fond sept fois plus vite que dans les années 1990. La montée des eaux risque de chasser un milliard de Terriens des côtes d’ici à la fin du siècle.

 Une image satellite de la Nasa révèle des lacs générés par la fonte sur le glacier Petermann, en juin 2019.
Une image satellite de la Nasa révèle des lacs générés par la fonte sur le glacier Petermann, en juin 2019. EPA/MaxPPP/Nasa

    Une nouvelle étude scientifique vient apporter un éclairage alarmant quant aux effets du réchauffement climatique sur la montée des eaux. Selon le travail de 96 spécialistes issus de 50 institutions internationales, la calotte glaciaire du Groenland a perdu 3.800 milliards de tonnes de glace depuis 1993.

    La couche glaciaire qui recouvre cette vaste île de plus de 2 millions de km2 fond sept fois plus vite que dans les années 1990, selon cette étude publiée mardi par la revue Nature. La fonte est passée de 33 milliards de tonnes par an dans les années 1990 à 254 milliards par an sur la dernière décennie.

    Selon l'étude, environ la moitié de la fonte se fait en surface, en raison de l'augmentation des températures ambiantes, et l'autre moitié est provoquée par la hausse des températures de l'océan sous les glaciers.

    Les pertes ont culminé à 335 milliards de tonnes en 2011, avant de se stabiliser autour de 238 milliards de tonnes par an (l'étude a porté jusqu'en 2018). Soit un niveau sept fois plus élevé actuellement que dans les années 1990.

    La fonte globale déjà enregistrée suffit à entraîner une hausse du niveau des mers de 10,6 millimètres, selon ce travail basé sur des relevés satellitaires, réalisé avec le soutien de l'agence spatiale européenne (ESA) et de l'agence américaine (Nasa).

    En 2013, le Giec estimait que le niveau monterait de 60 centimètres d'ici à la fin du siècle, mettant 360 millions de personnes en danger dans les zones côtières. Cette étude conforte plutôt le scénario « haut » du réchauffement, soit 7 centimètres de plus. En septembre, le groupe d'experts de l'ONU avançait d'ailleurs une nouvelle estimation d'un milliard de personnes exposées.

    A chaque centimètre de montée des eaux, 6 millions de personnes supplémentaires exposées

    « Pour chaque centimètre de montée du niveau global des mers, six millions de personnes supplémentaires sont exposées aux inondations dans les zones côtières de la planète », confirme le principal coauteur de l'étude, Andrew Shepherd, de l'université britannique de Leeds.

    « Il ne s'agit pas d'événements improbables ou aux conséquences limitées : ils sont en train de se produire et vont être dévastateurs pour les communautés côtières », avertit-il.

    De son côté, Louise Sime, climatologue au British Antarctic Survey, estime que « si ce rythme très élevé de fonte des glaces se poursuit, un point de non-retour pourrait être atteint plus vite que nous le pensions ».

    Une glaciologue islandaise qui a travaillé pour le Giec et n'a pas participé à l'étude, Guofinna Aoalgeirsdottir, remarque que cette publication vient « à point » et démontre « l'importance de poursuivre la surveillance des grandes calottes glaciaires » notamment pour évaluer la montée des eaux.

    Cette experte redoute un nouveau pic de fonte en 2019 « car l'été a été particulièrement doux ». Au Groenland, on a déploré la fonte de 11 milliards de tonnes de glace au plus fort de la période estivale, et déjà de 2 milliards lors d'une seule journée de juin.